En mars 2011, plusieurs incidents font basculer la Syrie dans une grave crise politique qui, très vite, se mue en guerre, prétendument civile, mais en réalité internationale puisque impliquant une multitude de pays, dont la Belgique.
Il importe de ne jamais perdre de vue que, comme nous l'expliquions en détails dans un précédent article, une guerre est légale dans seulement trois cas de figure :
1° En cas de légitime défense.
Par exemple, les Forces armées syriennes gouvernementales défendent en toute légalité leur pays.
2° Quand les forces militaires d'un État interviennent sur le territoire d'un État allié à son invitation.
Par exemple, l'intervention militaire de la Russie en Syrie est légale car elle répond à la demande explicite du Président syrien Bashar el-Assad qui est à la tête du gouvernement syrien officiellement reconnu par les Nations Unies.
3° Quand des forces militaires interviennent sur un mandat du Conseil de sécurité des Nations Unies.
Dans tout autre cas, la guerre est illégale et constitue une agression.
Il n'existe, par exemple, aucun mandat de l'ONU permettant à quelque État que ce soit de se livrer à des opérations militaires en Syrie. C'est ainsi que les États-Unis d'Amérique, et nombre de leurs supplétifs comme la Belgique et la France, mènent une guerre illégale en Syrie, une guerre d'agression, au sens légal même du terme selon la résolution 3314 de l'ONU.
Le journal britannique The Guardian, dont le site internet se
classe au troisième rang des sites de presse les plus consultés au monde, rapportait, il y a un peu plus d'un an, dans un article publié le 11 février
2017, que la guerre en Syrie avait alors causé au moins 470.000 morts (dont au moins 400.000 dues directement à des actes de violence, les autres résultant d'effets causés par la
guerre, notamment le manque d'accès à l'eau potable, à la nourriture, au logement, aux soins médicaux), 1,9 million de blessés et 10,36 millions de personnes déplacées, soit 45 % de la population
du pays.
À ce jour, cette guerre en Syrie a déjà causé plus d'un demi-million de morts, plus de deux millions de blessés et bien
plus de onze millions et demi de personnes déplacées, dont près de la moitié réfugiées dans d'autres pays. Toutes les villes du pays ont été
détruites.
Combien de temps la guerre en Syrie va-t-elle durer ?
Qu'en disent les États-Unis d'Amérique ?
Rex Tillerson, le 17 janvier 2018, à
l'université Stanford en Californie
Rex Tillerson, qui était, jusqu'à ce 31 mars 2018¹, le secrétaire d'État des États-Unis d'Amérique, fonction équivalente de celle de ministre des Affaires étrangères, tenait, ce 17 janvier 2018, un discours à l'université Stanford en Californie, discours dont le lecteur trouvera ici la retranscription officielle complète.
Ceux qui auront la patience d'écouter, ou de lire, les dix-neuf minutes de ce discours de Rex Tillerson, cela en vaut la peine,
seront frappés par sa mauvaise foi. Mauvaise foi... Ou véritable pratique de la double pensée ? Ce sont, une fois de plus, les mêmes antiennes : la Syrie massacrerait
prétendument sa propre population, la Russie et l'Iran voudraient prétendument dominer la région, tandis que les États-Unis d'Amérique, fidèles à leur destinée manifeste², seraient là, en grands
sauveurs de l'humanité, afin d'aider les populations locales et d'assurer l'établissement de la paix³ et de la démocratie4 dans la région.
À propos des objectifs officiellement poursuivis par les États-Unis d'Amérique en Syrie, Rex Tillerson a été explicite. C'est ainsi qu'il déclare, entre 14'10'' et 15'36'' :
"The United States will continue to remain engaged as a means to protect our own national security interest.
The United States desires five key end states [sic] for Syria:
First, ISIS and al-Qaida in Syria suffer an enduring defeat, do not present a threat to the homeland, and do not resurface in a new form; that Syria never again serves as a platform or safe haven for terrorists to organize, recruit, finance, train and carry out attacks on American citizens at home or abroad or against our allies.
Second, the underlying conflict between the Syrian people and the Assad regime is resolved through a UN-led political process prescribed in UN Security Council Resolution 2254, and a stable, unified, independent Syria, under post-Assad leadership, is functioning as a state.
Third, Iranian influence in Syria is diminished, their dreams of a northern arch are denied, and Syria’s neighbors are secure from all threats emanating from Syria.
Fourth, conditions are created so that the refugees and IDPs [NDLR : l'acronyme IDPs remplace les mots internally displaced persons] can begin to safely and voluntarily return to Syria.
And fifth, Syria is free of weapons of mass destruction."
Ce qui signifie en français :
« Les États-Unis continueront à rester engagés pour protéger nos propres intérêts en matière de sécurité nationale.
Les États-Unis désirent la réalisation de cinq objectifs majeurs pour la Syrie :
Premièrement, que l'État islamique et Al-Qaïda subissent une défaite durable, ne présentent plus une menace pour la patrie et ne refasse pas surface sous une forme nouvelle ; que la Syrie ne serve plus jamais de plate-forme ou de refuge aux terroristes pour organiser, recruter, financer, entraîner et mener des attaques contre des citoyens américains chez nous ou à l'étranger ou contre nos alliés.
Deuxièmement, que le conflit profond entre le peuple Syrien et le régime d'Assad soit résolu par un processus politique dirigé par les Nations Unies et prescrit par la résolution 2254 du Conseil de sécurité des Nations Unies, et qu'une Syrie stable, unie, indépendante, dirigée par une administration qui succèdera à Assad, fonctionne comme un État.
Troisièmement, que l'influence iranienne en Syrie soit diminuée, que leurs rêves d'une arche nordique leur soient refusés et que les voisins de la Syrie soient à l'abri de toutes les menaces émanant de la Syrie.
Quatrièmement, que les conditions soient créées pour que les réfugiés et les personnes déplacées à l'intérieur même de la Syrie puissent commencer à retourner en toute sécurité et volontairement en Syrie.
Et cinquièmement, que la Syrie soit libre d'armes de destruction massive. »
Par cette déclaration de Rex Tillerson qui dresse une liste si chargées d'objectifs, dont certains sont hors d'atteinte, le gouvernement états-unien affirme que son armée restera en Syrie aussi longtemps que bon lui semblera ! La Syrie devenant un énième théâtre d'opérations de la guerre éternelle.
Le discours entier de Rex Tillerson est truffé d'incohérences. Contentons-nous d'observer celles proférées dans cet extrait de son discours que nous venons de lire :
• Au premier point, il peut sembler fort louable de prétendre lutter contre le terrorisme, mais, nonobstant le fait parfaitement connu que les forces armées rebelles de tous bords en Syrie sont financées, ravitaillées, notamment en armement, et même formées par les puissances occidentales, à commencer par les États-Unis d'Amérique, il importe avant tout de savoir ce qu'est la guerre contre le terrorisme. Nous répondrons à cette question dans un prochain article.
• Au deuxième point, il est mensonger de déclarer qu'il y aurait
un « conflit profond entre le
peuple Syrien et le régime d'Assad ». En effet, comment le gouvernement de Bashar el-Assad aurait-il pu se maintenir à la tête de la Syrie, malgré tous les efforts déployés pour le
chasser et malgré sept ans de guerre meurtrière, s'il ne bénéficiait du soutien du peuple syrien ?
De plus, Rex Tillerson mentionne la résolution 2254 du Conseil de sécurité des Nations
Unies en laissant sous-entendre que celle-ci aurait pour objet de résoudre le prétendu « conflit profond entre le peuple Syrien et le régime d'Assad ». Il importe de savoir que cette résolution, qui date du 28 décembre 2015,
n'autorise aucune action militaire que ce soit et préconise, tout au contraire, un cessez-le-feu, cessez-le-feu que les États-Unis
d'Amérique n'ont aucunement respecté, notamment quand ils se sont permis de lancer, le 07 avril 2017, 59 missiles de croisière
Tomahawk5
sur la base aérienne d'Al-Chaayrate de l'armée syrienne, ce qui a constitué un acte d'agression intolérable.
Toujours à propos du deuxième point, Rex Tillerson a beau jeu de poser comme objectif états-unien « une Syrie stable, unie, indépendante ». En effet, avant la déstabilisation d'origine occidentale, et donc principalement d'origine états-unienne, la Syrie était un pays stable, uni et indépendant. Les États-Unis tentent une fois de plus de se faire passer pour des pompiers alors qu'ils ne sont en réalité que des pyromanes destructeurs.
• Au troisième point, Rex Tillerson mentionne un « rêve iranien d'une arche
nordique ». « Tu quoque6 », lui répondrons-nous.
En effet, cela fait près de deux cents ans que l'Iran n'a pas attaqué quelque pays que ce soit.
Les États-Unis d'Amérique, quant à eux, n'ont cessé, depuis le début de leur existence, d'agresser, tant directement qu'indirectement, de très nombreux pays de par le monde.
• Au cinquième point, poser comme objectif que la Syrie soit libre d'armes de destruction massive tient de la mauvaise foi
caractérisée, pour ne pas dire de l'aporie : non seulement, il n'est aucunement avéré que la Syrie détiendrait de telles armes, mais encore, ce sont les États-Unis
eux-mêmes qui sont parmi les plus grands détenteurs d'armes de destruction massive, notamment, mais pas seulement, en matière d'armement nucléaire qu'ils se permettent même de
disséminer dans divers pays étrangers, et ce en violation du TNP (traité sur la non-prolifération des armes nucléaires).
Ici aussi, nous répondrons « Tu quoque6_» à Rex Tillerson.
¹Le 13 mars 2018, Rex Tillerson a été limogé par Donald Trump via Twitter : procédé on ne peut plus cavalier et qui témoigne, de la part de ce dernier, d'un singulier manque de professionnalisme et d'une absence de respect pour la fonction même de secrétaire d'État des États-Unis d'Amérique. Rex Tillerson aurait été considéré comme trop modéré, notamment à l'égard de l'Iran et de la Russie. Voilà qui paraît ahurissant quand on a, par exemple, entendu le discours prononcé par Rex Tillerson, ce 17 janvier 2018, à l'université Stanford. Donald Trump lui a désigné, comme successeur, Mike Pompeo, qu'il avait récemment nommé directeur de la CIA, et dont la nomination, au poste de secrétaire d'État, doit encore être approuvée par le Sénat des États-Unis d'Amérique. Mike Pompeo est considéré, en particulier vis-à-vis de l'Iran et de la Corée du Nord, dont il prêche qu'il faut évincer le gouvernement, comme un faucon, terme désignant, en matière de relations internationales, un individu préconisant des positions particulièrement agressives dans le règlement d'un différend, différend pouvant ainsi dégénérer très rapidement en conflit.
La nomination de Mike Pompeo à la tête de la CIA était déjà fort
inquiétante car il prône une CIA bien
plus agressive qu'elle ne l'est déjà ! C'est ainsi, par exemple, qu'en plus de critiquer la décision de Barack Obama de fermer des prisons clandestines de la CIA, Mike Pompeo approuve
l'usage de la torture et déclare même que les interrogateurs états-uniens ne devraient pas être tenus de respecter les lois contre la torture. Sa nomination au poste de secrétaire d'État
des États-Unis d'Amérique est encore plus menaçante.
²La destinée manifeste est cette idéologie qui prétend que les États-Unis d'Amérique ont pour mission divine de répandre leur vision de la démocratie à travers le monde, et ce par quelque moyen que ce soit, y compris, comme ils ne cessent de le faire, en fomentant des coups d'État ou en menant des guerres illégales.
³Il est vraiment cocasse d'entendre les États-Unis d'Amérique prétendre vouloir
rétablir la paix dans un pays qu'ils ont contribué eux-mêmes à plonger dans la guerre. Rappelons qu'il est en effet parfaitement connu que les forces armées rebelles de tous bords en
Syrie sont financées, ravitaillées, notamment en armement, et même formées par les puissances occidentales, à commencer par les États-Unis d'Amérique. Cette façon de créer un problème
pour, immédiatement après, proposer une façon d'y mettre fin est une technique vieille comme le monde pour dominer un groupe et contribue à entretenir la
guerre éternelle qui permet à l'oligarchie qui a usurpé le pouvoir en Occident de se maintenir en place, tout cela pour le plus grand profit du complexe
militaro-industriel.
4Comme nous l'expliquons dans notre lexique, la
démocratie est un régime politique dans lequel le pouvoir est détenu par le peuple.
La démocratie est un idéal politique qui n'a jamais été réalisé nulle part, à aucune époque et certainement pas maintenant en Occident où l'oligarchie qui a pris le pouvoir neutralise les aspirations politiques des peuples notamment en leur faisant croire qu'ils détiennent le pouvoir par l'exercice d'un droit de vote qui est, en réalité, sans aucun effet. Ce phénomène est particulièrement marqué dans les pays membres de l'Union européenne où les individus qui sont élus n'ont pas le pouvoir d'appliquer les engagements pour lesquels ils l'ont été.
5Le coût de
production unitaire d'un missile de croisière Tomahawk est, à l'heure actuelle, de plus d'un million de dollars états-uniens : plus de 1.000.000 US $ ! Montant auquel il faut, bien
sûr, ajouter tous les frais de mise en œuvre opérationnelle. C'est le complexe militaro-industriel qui, une fois encore, en tire
de substantiels bénéfices ! Il est également important de savoir que le missile Tomahawk peut être équipé d'une ogive nucléaire. Par ce tir de 59 - excusez du peu ! - missiles
Tomahawk, les États-Unis d'Amérique font la démonstration, absolument non nécessaire, de leur capacité à porter une première frappe nucléaire. Celle-ci pourrait, le cas échéant, certes être
neutralisée par le système russe de défense antiaérienne et antibalistique S-400 Triumph déployé en Syrie - son successeur, le S-500 Prometeï, encore plus
performant et bien supérieur au THAAD états-unien, est déjà prêt - mais le lecteur conviendra qu'une telle démonstration de force de la part des États-Unis d'Amérique n'augure rien de
rassurant.
6« Tu quoque » est une locution latine signifiant « Toi aussi ». Il s'agit, par cet argument, certes parfois
contestable mais pas dans le cas présent, de démontrer à l'interlocuteur l'invalidité de son propos car il ne fait guère mieux lui-même. Dans le cas qui nous occupe, tant au troisième qu'au
cinquième point, il s'agit bien plus que d'un simple et efficace argumentum ad hominem tu quoque car, non seulement les États-Unis sont les pires auteurs coupables des
accusations qu'ils portent à l'encontre tant de l'Iran que de la Syrie, mais encore ces deux derniers pays en sont exempts de toute culpabilité avérée.
Le gaz : une arme interdite
Rex Tillerson, le 23 janvier 2018, à
Paris
Le 22 janvier 2018, cinq jours après son discours à l'université Stanford en Californie, paraissait l'information qu'une attaque chimique aurait été menée sur le territoire syrien, et plus précisément dans la Ghouta orientale, immédiatement à l'est de Damas. Cette attaque a eu lieu, fort opportunément, diront certains, la veille du lancement du partenariat international contre l’impunité d’utilisation d’armes chimiques, à Paris.
C'est l'occasion pour Rex Tillerson d'y faire une déclaration fracassante et on ne peut plus hostile à l'encontre de la Russie :
« Only yesterday, more than 20 civilians, most of them children, were victims of an apparent chlorine gas
attack. The recent attacks in East Ghouta raise serious concern that Bashar al-Assad's Syrian regime may be continuing its use of chemical weapon against its own people.
Whoever conducted the attacks, Russia ultimately bears responsibilty for the victims in East Ghouta and countless other Syrains targeted with chemical weapons since Russia became involved in Syria. »
Ce qui signifie en français :
« Pas plus tard qu'hier, plus de 20 civils, pour la plupart des enfants, ont été victimes de ce qui semble être une attaque au chlore. Les récentes attaques dans la Ghouta orientale font craindre que le régime syrien de Bashar el-Assad puisse continuer d'utiliser des armes chimiques contre son propre peuple.
Peu importe qui a mené les attaques, la Russie porte la responsabilité finale pour les victimes dans la Ghouta orientale et d'innombrables autres Syriens pris pour cible avec des armes chimiques depuis que la Russie a été impliquée en Syrie. »
Que dire face à une telle mauvaise fois belliciste ? Preposterous ! Chutzpah !
Cette façon
d'affirmer que la Russie porterait la
responsabilité des attaques, peu importe qui les aurait menées est bien plus qu'un incroyable non-sens : il s'agit d'une déclaration on ne peut plus belliciste
!
Et quand on pense que Donald Trump considérait Rex Tillerson timoré au point de le limoger...
Notons au passage, qu'une fois de plus, Rex Tillerson ment quand il dit « that Bashar al-Assad's Syrian regime may be continuing its use of chemical weapon against its own people. », ce qui signifie en français_: « que le régime syrien de Bashar el-Assad puisse continuer d'utiliser des armes chimiques contre son propre peuple. ». En effet, non seulement il n'a jamais été avéré que le gouvernement légitime syrien ait utilisé des armes chimiques contre son propre peuple, ou contre qui que ce soit d'autre, mais en plus le gouvernement états-unien a reconnu, le 02 février 2018, par la voix du général quatre étoiles James Mattis, son secrétaire à la Défense, fonction correspondant à celle de ministre de la Défense, que les États-Unis d’Amérique n’ont jamais eu la moindre preuve démontrant que le gouvernement syrien avait utilisé du gaz toxique contre sa propre population, qu’il s’agisse de la tragédie de la Ghouta survenue en août 2013 ou de la tragédie de Khan Cheikhoun survenue en avril 2017. Faut-il, par ailleurs, rappeler qu'une étude du prestigieux MIT, le Massachusetts Institute of Technology, a affirmé dès janvier 2014 que le massacre de la Ghouta du 21 août 2013 a été perpétré depuis une zone rebelle et donc non par l'armée gouvernementale syrienne, contrairement à ce que ne cessait de seriner la presse occidentale dominante, pratiquant ainsi le sixième commandement de la propagande de guerre tels que les a décrits Anne Morelli : « L'ennemi utilise des armes non autorisées. ».
Ne perdez jamais de vue que même si elle peut, bien sûr, être dirigée contre un pays ou une entité ennemie ou neutre afin de l'impressionner, de la démoraliser ou de l'induire en erreur, la propagande est avant tout utilisée par un régime en place afin de convaincre la population qu'il domine, d'une part, de la légitimité du pouvoir qu'il exerce sur elle et, d'autre part, du bien-fondé des actions qu'il entreprend.
Le gaz : cause économique majeure de cette guerre
La question hautement stratégique des routes d'acheminement du gaz naturel est un important paramètre de la géopolitique mondiale. Alors que la Russie est le plus grand exportateur mondial de gaz naturel, il faut savoir que le plus grand gisement de gaz naturel au monde se situe au milieu du Golfe persique et est partagé entre l'Iran et le Qatar. C'est ainsi que la question du tracé de gazoducs à travers la Syrie est une des causes essentielles, en matière économique, de la guerre que les États-Unis d'Amérique, et leurs nombreux supplétifs, ont déclenchée en Syrie, bien sûr par leur intervention directe ou indirecte mais, avant tout, en finançant, en formant et en ravitaillant, notamment en armement, le prétendu État Islamique.
Afin
d'acheminer le gaz vers le marché européen, les gazoducs traversant la Syrie auraient pu, dans un premier scénario, prendre leur origine en Iran pour aboutir dans des
ports syriens ou libanais sur la mer Méditerranée, ou, dans un deuxième scénario, partir du Qatar pour arriver en Turquie. La Syrie choisit de privilégier le gazoduc provenant
d'Iran, les puissances occidentales et leurs alliés saoudien et qatari ne l'acceptèrent pas.
S'agissant de la géopolitique du gaz, il importe également de savoir qu'à partir de 2009, de très importants gisements gaziers furent découverts dans toute la Méditerranée orientale. Ces gisements sont tellement importants qu'il est maintenant estimé que certains d'entre eux pourraient même être les plus importants au monde. Or la Syrie borde la Méditerranée orientale...
Dans le même registre, les gisements de gaz naturel présents dans les eaux territoriales grecques sont tellement riches qu'ils pourraient suffire à rembourser l'intégralité de la dette grecque ! Sachant cela, on comprend d'autant mieux les efforts persistants de l'oligarchie financière et industrielle pour mener la Grèce à la faillite et l'obliger à privatiser le plus possible et le plus vite possible ses infrastructures et ses industries nationales, comme par exemple le Pirée, qui est le plus important port et le principal centre industriel de Grèce, ou encore les compagnies pétrolières grecques. Voilà encore une manœuvre créocratique typique.
L'eau : une autre source de conflits
La maîtrise des approvisionnements en eau douce est devenue un enjeu géopolitique : l'eau, ressource vitale par excellence, est à l'origine de conflits en
maints endroits du monde.
La Mésopotamie - du grec Μεσοποταμία (Mesopotamía), de μεσο (meso) signifiant « entre, au milieu de » et ποταμός (potamós) signifiant « fleuves » - qui est un des berceaux de la civilisation, doit son nom à la présence des deux grands fleuves qui irriguent cette région : le Tigre et l'Euphrate.
Partout sur la planète, les populations établies en amont ont à peu près toujours considéré avoir le droit de disposer, comme bon leur semble, de l'intégralité des ressources hydriques situées sur leur territoire : c'est la doctrine « Harmon », du nom de ce juge états-unien qui, en 1896, reconnut aux États-Unis d'Amérique le droit de réduire le débit d'un fleuve coulant vers le Mexique. Le procédé n'est pas nouveau, qui consiste à déclarer soi-même que ses propres actes sont légaux...
Le Tigre, long de quelque 1.850 km, prend naissance en Turquie où il parcourt 400 km ; il borde ensuite, sur une distance de 32 km, la Syrie, et poursuit son cours en Irak pendant 1.418 km.
L'Euphrate, quant à lui, a deux branches mères qui naissent toutes deux également en Turquie ; il y parcourt 455 km, puis ensuite 675
km en Syrie, et enfin 1.200 en Irak.
Les deux grands fleuves mésopotamiens finissent par confluer pour former le Chott-el-Arab à quelque 200 km du Golfe Persique, où il se jette.
Le GAP, Güneydoğu Anadolu Projesi, en turc, ce qui signifie en français « le projet d'Anatolie du Sud-Est », est ce gigantesque projet turc d'aménagement du sud-est de ce pays.
Le GAP est également surnommé « Yukarı Mezopotamia », ce qui signifie en français «_Haute Mésopotamie ».
Logo du GAP
Le GAP vise, par la construction de 22 barrages ainsi que de 19 usines hydroélectriques sur les fleuves Tigre et Euphrate, à irriguer quelque 18.000 kilomètres carrés de terres agricoles, ainsi qu'à produire une quantité d'énergie électrique pour une capacité totale de 7.476 MW, avec une production d'énergie annuelle de 27 milliards de kWh.
Nous nous garderons bien de déclarer qui, de la Turquie ou de la Syrie et l'Irak, serait dans son meilleur droit. Une chose est certaine : il s'agit bel et bien d'une véritable guerre de l'eau.
Il est, à sujet, remarquable que la page d'accueil du site internet du GAP soit recouverte par cette image qui fait la promotion de l'opération Rameau d'Olivier, la dernière offensive turque en Syrie,
lancée ce 20 janvier 2018 :
Au moins, en Turquie, les choses ont le mérite d'être claires : la population sait que le pays est en guerre. Cela ne semble pas être le cas en Belgique où une
partie importante de la population ignore que la Belgique bombarde de façon illégale des pays qui ne lui ont rien fait !
La conséquence d'une retenue d'eau en amont est immédiate : une baisse du débit en aval qui peut assécher, jusqu'à éventuellement le priver de vie, tout un paysage. Dans le cas qui nous occupe, le GAP, une fois entièrement réalisé, devrait réduire le débit des fleuves Tigre et Euphrate de 22 km3 par an. Sachant cela, on comprend aisément que des populations sont prêtes à se battre pour obtenir l'eau à laquelle elles estiment avoir droit.
Finalement, non seulement la pénurie en eau est une source de conflits, mais en plus elle contribue à alimenter ceux-ci : les paysans n'ayant plus la possibilité de cultiver la terre peuvent être tentés de se laisser recruter comme combattants par une faction armée qui leur offre de leur procurer, à eux et à leur famille, de quoi survivre.
La guerre en Syrie : une opération qui vient de très loin
Roland Dumas a été le ministre français des Affaires étrangères, et par cela
même le chef de la diplomatie française, de 1984 à 1986 ainsi que de 1988 à 1993.
Écoutez, entre 0'13'' et 0'51'', ce qu'il déclarait, le 14 juin 2013, sur la chaîne
de télévison LCP (La Chaîne Parlementaire - Assemblée nationale) :
Roland Dumas, le 14 juin 2013
« Moi, je vais vous dire quelque chose. J'étais il y a deux ans à peu près, avant que les hostilités commencent en Syrie, je me trouvais en Angleterre par hasard pour d'autres choses, pas du tout de la Syrie. J'ai rencontré des responsables anglais et quelques uns qui sont mes amis m'ont avoué, en me sollicitant, qu'il se préparait quelque chose en Syrie. C'était en Angleterre, et pas en Amérique. L'Angleterre préparait l'invasion des rebelles en Syrie et on m'a même demandé à moi, sous le prétexte que j'étais ancien ministre des Affaires étrangères, si je participerais comme ça à cette... J'ai évidemment dit le contraire. J'ai dit : « Écoutez, moi, je suis français, cela ne m'intéresse pas._». Mais c'est pour dire que cette opération vient de très loin. ».
Cette information avait déjà été dévoilée, plusieurs années auparavant, par le Général états-unien Wesley Clark.
Wesley Clark a été major de sa promotion à West Point en 1966. Il a ensuite été diplômé de philosophie, politique et économie à l'université d'Oxford. Il a également été diplômé en Science militaire au Command and General Staff College. Wesley Clark a exercé le commandement de l'armée états-unienne au plus haut niveau : il a terminé sa carrière comme Commandant Suprême des forces alliées de l'OTAN en Europe.
Général Wesley Clark
Écoutez, entre 0'00'' et 1'33'', ce qu'il déclarait, le 02 mars 2007, et qu'il a répété à maintes reprises :
Général Wesley Clark, le 02 mars 2007
"About ten days after 9/11, I went to the Pentagon and I saw Secretary Rumsfeld and Deputy
Secretary Wolfowitz. I went downstairs just to say hello to some of the people on the Joint Staff who used to work for me and one of the generals called me and he said
"Sir, you gotta... Come in, you gotta come in and talk to me a
second.". I said "Well you're too busy.". "No,
no." he says. "We've made the decision we're going to war with Iraq.". This was on or about the 20th of September. I said "We're going to war with Iraq?
Why?". He said "I don't know.". He said "I guess they don't know what else to do.". So, I said "Well, did they find some information collect... connecting Saddam to Al-Qaeda?". He said "No, no.". He
says "There's nothing new that way. They
just made the decision to go to war with Iraq.". He
said "I guess it's like we don't know what
to do about terrorists but we got a good military and we can take down governments.". And he said "I guess
if the only tool you have is a hammer, every problem has to look like a nail.".
So, I came back to see him a few weeks later and by that time we were bombing in Afghanistan. I said "Are we still going to war with Iraq?" and he said "Oh it's worse than that.". He said, he reached over on his deck, he picked up a piece of paper, he said "I just..." he said "I just got this down from upstairs (meaning the Secretary of Defense office) today." and he said "This is a memo that describes how we're gonna take out seven countries in five years, starting with Iraq and then Syria, Lebanon, Libya, Somalia, Sudan and finishing off Iran."."
Ce qui signifie en français :
« À peu près dix jours après les attentats du 11 septembre, je suis allé au Pentagone et j'ai vu
le secrétaire [NDLR à la
Défense] Rumsfeld et le secrétaire adjoint
[NDLR : de la Défense] Wolfowitz. Je suis allé en bas juste pour dire bonjour à quelques personnes du Comité des chefs d'état-major interarmées qui avaient travaillé
pour moi et un des généraux m'a appelé et il a dit « Mon général, vous
devez... Entrez, vous devez entrer et me parler une seconde. ». J'ai
dit « Mais vous êtes trop occupé. ». « Non, non. » dit-il.
« Nous avons pris la décision d'entrer en guerre avec l'Irak. ». C'était le 20 septembre ou aux
alentours de cette date. J'ai dit « Nous entrons en guerre avec l'Irak ?
Pourquoi ? ». Il a dit « Je ne sais pas. ». Il a dit « Je suppose qu'ils ne savent pas quoi faire d'autre. ». Alors, J'ai dit «
Bon, ont-ils trouvé des informations rel... reliant Saddam à Al-Qaïda ? ». Il a dit « Non, non.
». Il dit « Il n'y a rien de neuf qui abonde dans ce sens. Ils ont juste pris la décision
d'entrer en guerre avec l'Irak. ». Il a
dit « Je suppose que c'est comme si nous ne
savions pas quoi faire au sujet des terroristes mais nous avons une bonne armée et nous sommes capables de renverser des gouvernements. ». Et il a dit « Je suppose que si le seul outil qu'on a est un marteau, alors tout problème doit ressembler à un clou.
».
Alors, je suis retourné le voir quelques semaines plus tard et, à ce moment-là, nous étions en train de
bombarder en Afghanistan. J'ai dit « Allons-nous toujours entrer
en guerre avec l'Irak ? » et il a dit « Oh c'est pire que ça. ». Il a dit, il s'est penché au dessus de son bureau, il a pris une feuille de papier, il a dit « Je viens de... » il a dit « Je viens de recevoir ceci d'en haut (voulant dire le bureau du
secrétaire à la Defense) aujourd'hui. »
et il a dit « Ceci est un mémorandum qui décrit comment nous allons faire tomber sept pays en cinq ans, en commencant par l'Irak et puis la Syrie, le
Liban, la Libye, la Somalie, le Soudan et pour finir l'Iran. ».
»
"We're gonna take out 7
countries in 5 years."
Et la Belgique ?
La Belgique, en bon petit supplétif otanien, est un des membres de la Combined Joint Task Force - Operation Inherent
Resolve, qui est, naturellement, sous
commandement états-unien.
Le site internet de l'Operation Inherent Resolve définit ainsi lui-même son objectif :
"Operation Inherent Resolve, the operation to eliminate the ISIL terrorist group and the threat they pose to Iraq, Syria, and the wider international community."
Ce qui signifie en français :
« Operation Inherent Resolve, l'opération visant à éliminer le groupe terroriste État IsIamique en Irak et au Levant et la menace qu'il présente pour l'Irak, la Syrie et la communauté internationale dans son ensemble. »
Sceau de la Combined Joint Task Force - Operation Inherent Resolve
Au regard du nombre d'endroits où il y avait la guerre, ainsi que du nombre de pays déjà impliqués dans ces guerres, certains analystes estimaient déjà, au tout début des années 2000, que la Troisième Guerre mondiale avait déjà commencé.
Cette façon de considérer les faits a du sens quand on prend en compte, notamment, le nombre de pays engagés dans cette Operation Inherent Resolve, dont le site internet nous fournit la liste de ses membres, sous la forme d'un grand drapeau rassemblant ceux qui la composent :
Il est en fait même raisonnable de considérer que la Troisième Guerre mondiale n'a pas commencé et, qu'en réalité, la Première Guerre mondiale n'a pas encore pris fin. En d'autres termes, nous sommes, au moins depuis 1914, en situation de guerre éternelle. Ce concept sera l'objet d'un prochain article.
Rappelons, encore une fois, que l'entièreté des opérations menées par cette coalition est illégale au regard du droit international.
Pour en revenir à la participation de la Belgique aux opérations aériennes illégales contre la Syrie, le journal belge Le Vif publiait, sur son site internet, le 26 décembre 2017, un article précisant :
« Les appareils belges ont opéré durant 18 mois sans discontinuer au départ de la Jordanie [...] enchaînant entre juillet 2016 et cette fin d'année 605 missions à au moins deux avions (soit 1.235 "sorties" individuelles) et larguant 675 bombes en 6.080 heures de vol. »
Voilà qui représente un fameux budget pour un pays qui se voit imposer une politique économique structurelle d'austérité...
Le même article précise que :
• Le ministre de la Défense, Steven Vandeput a qualifié l'action de son personnel de « fantastique prestation_».
Le lecteur appréciera...
• « Le général-major Frederik Vansina, commandant de la composante Air, affirme ne pas disposer de preuve de victimes civiles causées par des bombes belges.
»
Là aussi, le lecteur appréciera...
L'armée belge, quant à elle, déclarait, le 03 janvier 2018, via son site internet :
« Les statistiques ne laissent planer aucun doute sur le fait que l'engagement belge était intense. Entre le 1er juillet 2016 et le 29 décembre 2017, quelque 100 militaires travaillaient constamment avec six puis quatre appareils. Au rythme de six jours de vol par semaine comprenant deux à quatre vols chacun, le nombre total d'heures prestées dans les airs pendant cette période s'élevait à 6 108. »
Une véritable poudrière
La guerre en Syrie est une véritable poudrière que certains intérêts souhaiteraient faire exploser et s'étendre bien au-delà de la zone qu'elle dévaste depuis sept ans déjà.
À ce jour, rappelons-le, cette guerre en Syrie a déjà causé plus d'un demi-million de morts, plus de deux millions de blessés et bien plus de onze millions et demi de personnes déplacées, dont près de la moitié réfugiées dans d'autres pays. Toutes les villes du pays ont été détruites.
Dans le cadre de ce conflit, le 19 décembre 2016, l'ambassadeur de Russie en Turquie, Andreï Karlov, a été assassiné à Ankara.
La Russie a accusé la Belgique d'avoir causé, à l'occasion d'un bombardement durant la nuit du 17 au 18 octobre 2016 en Syrie, auprès de la population civile, six morts et
quatre blessés. La Belgique a récusé ces accusations. Notre propos ne consiste pas à porter un jugement sur la validité de celles-ci mais de souligner que les actions
militaires illégales commises par la Belgique
exposent celle-ci à de sérieuses difficultés diplomatiques avec nombre de pays.
Certains pays, cherchant à morceler la Syrie, l'Irak, la Turquie et même peut-être l'Iran, encouragent le séparatisme kurde qui est, en retour, fermement combattu, notamment par la Turquie.
En plus de tous les groupes de combattants en tous genres qui ont, à un moment ou à un autre, été engagés dans ce conflit, des troupes de très nombreux pays ont, directement et officiellement, participé aux combats.
Des frappes aériennes ont été effectuées, notamment, et par ordre alphabétique, par l'Arabie saoudite, l'Australie, le Barheïn, la Belgique, le Canada, le Danemark, les Émirats arabes unis, les États-Unis d'Amérique, la France, Israël, la Jordanie, le Maroc, les Pays-Bas, le Qatar, le Royaume-Uni, la Russie, la Syrie, la Turquie.
Nombre de ces pays sont des puissances nucléaires.
Des puissances comme, entre autres, la Turquie, la Russie ou encore Israël ont perdu des avions de combat.
La plupart de ces pays, et c'est le cas de la Belgique, se livrent, ou se sont livrés, en Syrie à une guerre d'agression illégale au regard du droit international. La Belgique devrait refuser de se laisser entraîner - contre ses propres intérêts ! - dans ces sordides exactions, dans lesquelles elle ne joue qu'un rôle de petite frappe au service de l'Empire états-unien déclinant.
Conclusion
La multiplicité des acteurs et des intérêts en présence, combinée à la rhétorique hostile de certains pays comme la France et les États-Unis d'Amérique, indique, sans aucun doute possible, que la guerre en Syrie est loin d'être terminée et est un épisode, parmi tant d'autres, de la guerre éternelle, concept qui sera l'objet d'un prochain article.
Cette situation sert on ne peut mieux les intérêts du complexe militaro-industriel et permet à nombre de pays, dont notamment la Belgique, de distraire leurs propres populations de la dictature et du pillage qu'elles subissent en interne.
La conclusion à en tirer s'impose d'elle-même : afin de s'offrir une possibilité de ne pas sombrer dans la
conflagration générale qui se profile de plus en plus à l'horizon, la Belgique doit sortir de l'OTAN par
la mise en œuvre de l'article 13 du Traité de l'Atlantique Nord. Cela seul permettrait à
la Belgique de reprendre la place qui est la sienne depuis le traité de Londres de 1831,
c'est-à-dire depuis qu'elle existe. Une place digne, honnête, qui sert ses
propres intérêts. Cette place, c'est la neutralité.
Mike Werbrouck
Président fondateur du MIB
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