C'est ce qu'expliquait, le 03 février 2015, George Friedman au Chicago Council on Global Affairs
:
George Friedman, le 03 février 2015
George Friedman a fondé, en 1966, Stratfor, société privée de renseignement ; c'est un géopolitologue états-unien qui a le mérite
d'exprimer ses opinions avec beaucoup de franchise, pour ne pas dire de candeur.
C'est ainsi que vous pouvez l'entendre dire, dans cette vidéo, ente 1'07''et 1'37'' :
"It [Islamic extremism] is a problem to the United States but it's not an existential threat. It has to be dealt with but has to be dealt with proportionately. We have other foreign policy interests. So, the primordial interest in the United States, over which for a century we've fought wars, the first, second and cold war, has been the relationship between Germany and Russia because, united, they are the only force that could threaten us. And to make sure that that doesn't happen."
Ce qui signifie, en français :
« C'est [l'extrémisme islamique] un problème pour les États-Unis mais ce n'est pas une menace existentielle. Cela doit être géré mais géré de façon proportionnelle. Nous avons d'autres intérêts en matière de politique étrangère. Ainsi, l'intérêt primordial des États-Unis, pour lequel nous avons mené des guerres depuis un siècle, les Première et Deuxième Guerres mondiales et la guerre froide, est la relation entre l'Allemagne et la Russie parce que, unies, elles sont la seule force qui pourrait nous menacer. Et [notre intérêt primordial est] de nous assurer que cela n'arrive pas. »
Tout d'abord, le lecteur appréciera au plus haut point le commentaire de George Friedman à propos de l'extrémisme islamique qu'il ramène à une proportion bien plus raisonnable que celle que veut nous imposer sans cesse la propagande de guerre occidentale.
Pour en venir au sujet principal de notre article, George Friedman a le mérite d'être on ne peut plus clair : l'intérêt primordial des États-Unis d'Amérique est de s'assurer qu'il ne se forme pas une alliance entre l'Allemagne et la Russie. À ce propos, il est essentiel de toujours garder à l'esprit que le meilleur moyen pour éviter la formation d'une alliance entre deux pays consiste à créer une guerre entre ceux-ci.
Pour ceux qui n'ont, peut-être pas, le temps de regarder toute la vidéo, en voici un bref résumé :
• Les États-Unis d'Amérique sont le seul allié de l'Ukraine.
• Le général Hodges, commandant en chef de l'US Army en Europe, a non seulement annoncé que les États-Unis d'Amérique allaient officiellement entraîner les troupes ukrainiennes, mais il a également remis des médailles militaires à des combattants ukrainiens, ce qui va à l'encontre du protocole de l'US Army qui ne permet pas de décorer des étrangers ! Par ce procédé, le général Hodges montre que l'armée ukrainienne est la sienne et, par conséquent, celle des États-Unis d'Amérique !
• Le général Hodges est ensuite parti dans les pays baltes où il a annoncé que les États-Unis d'Amérique allaient déployer des blindés, de l'artillerie, ainsi que d'autres équipements, dans les pays baltes, en Pologne, en Roumanie et en Bulgarie. Ce faisant, les États-Unis d'Amérique sont en train de créer un cordon sanitaire autour de la Russie, cordon sanitaire dont l'objet principal est d'isoler l'Allemagne de la Russie.
• Les États-Unis d'Amérique vont envoyer des armes en Ukraine.
• Les États-Unis d'Amérique n'hésitent pas à agir en dehors du cadre de l'OTAN quand ils s'attendent à un veto d'un de ses membres.
• Les pays européens ont des intérêts divergents ! Ils vivent dans des mondes différents et ont fort peu de points communs ! Les États-Unis d'Amérique sont parvenus à recréer une guerre froide.
• Les États-Unis d'Amérique contrôlent tous les océans du monde. Aucune puissance n'y était arrivée jusqu'alors. Grâce à cela, les États-Unis d'Amérique envahissent les autres pays sans risquer eux-mêmes d'être envahis. Maintenir le contrôle des mers et de l'espace est la base de la puissance états-unienne.
• La politique étrangère la plus efficace pour les États-Unis d'Amérique consiste à créer des conflits entre les autre pays ! Divide and conquer !
• Les États-Unis d'Amérique n'ont pas la capacité militaire d'occuper l'Eurasie, ce qui est une raison supplémentaire de susciter des conflits entre divers pays qu'ils peuvent simultanément soutenir les uns contre les autres ! Divide and conquer !
• Les États-Unis d'Amérique sont un empire.
• Les États-Unis croient que la Russie sera menacée dans son existence même si l'Ukraine bascule dans le camp occidental : ces
propos, qui sont, rappellons-le, ceux de George Friedman et non les nôtres, sont essentiels à comprendre pour qui veut apprécier les motivations géopolitiques états-uniennes en ce qui concerne
l'Ukraine. Cette question essentielle sera l'objet de notre prochain article.
• La peur primordiale des États-Unis d'Amérique est la combinaison, l'alliance, entre, d'une part, la technologie et le capital allemands et, d'autre part, les ressources naturelles et la main-d'œuvre russes. C'est la seule combinaison qui a terrifié, depuis des siècles, les États-Unis d'Amérique.
• Depuis 1871, la question cruciale en Europe est le fait que l'Allemagne n'a jamais été capable de combiner sa très puissante économie avec sa fragile géopolitique.
Et pour ceux qui ont bien plus de temps à leur disposition, voici l'intervention complète de George Friedman lors du Chicago Council on Global Affairs du 03 février 2015 :
George Friedman - « Europe : Destined for Conflict ? », le 03 février 2015
Un résumé en est donné sur le site internet du Chicago Council of Affairs.
On y trouve, entre autres, cet édifiant passage :
"the problem is less Greek debt than Germany’s manipulation and domination of the euro to create a continental market for German exports."
Ce qui signifie, en français :
« Le problème est moins la dette grecque que la manipulation et la domination de l'euro par l'Allemagne afin de se créer un marché continental pour ses exportations. »
Cette très importante question de l'euro trop cher pour tous les pays de la zone euro sauf pour l'Allemagne, pour laquelle il est sous-évalué, sera
l'objet d'un prochain article.
Quels enseignements en tirer ?
Les États-Unis manipulent fort habilement les événements dans l'espoir de maintenir leur hégémonie mondiale. Leur objectif est clair, déclaré même : empêcher une alliance entre l'Allemagne et la Russie tout en montant les nations les unes contre les autres. Les États-Unis d'Amérique obtiendraient un succès total s'ils parvenaient à provoquer une guerre majeure en Europe, à priori entre l'Union européenne et la Russie.
La finalité stratégique états-unienne étant d'avoir les mains libres face à la Chine.
Sans oublier qu'une guerre majeure aurait le mérite, aux yeux de l'oligarchie qui entend dominer la planète, de faire passer au second plan la paupérisation croissante de la planète, à commencer par celle des pays de l'Union européenne : rien de tel qu'une guerre pour souder une nation contre un ennemi commun et étouffer les flammes de l'agitation ; il n'y aurait plus de grèves et tout discours contestataire serait jugé comme étant antipatriotique. Et après un tel massacre, l'oligarchie qui a accaparé le pouvoir disposerait, une fois de plus, de quelques dizaines d'années pour resserrer son étreinte sur les peuples du monde.
Comme l'a écrit George Orwell dans son magnifique ouvrage 1984 (Folio pour la traduction
française, 1950, p. 283) :
« La guerre est engagée par chaque groupe dirigeant contre ses propres sujets et l'objet de la guerre n'est pas de faire ou d'empêcher des conquêtes, mais de maintenir intacte la structure de la société._»
L'ennemi ultime des États-Unis d'Amérique
Justement, quelles sont les relations entre la Chine et les États-Unis d'Amérique ?
Écoutons ce que nous dit, à ce propos, le Professeur Emmanuel Lincot, grand spécialiste d'histoire politique et culturelle de la Chine
contemporaine :
Emmanuel Lincot, le 09 septembre 2016
Et comme l'a souligné Emmanuel Lincot en nous présentant un incroyable extrait d'un tout récent discours de Rodrigo Duterte, le Président
philippin, faisant usage, à l'égard du Président Barack Obama, d'un langage sans doute jamais entendu entre chefs d'États, la Chine est loin d'être le seul pays avec lequel les États-Unis
d'Amérique ont des relations difficiles. Charles de Gaulle le disait déjà, en parlant de cet insupportable impérialisme états-unien :
« Les Américains finiront par se faire détester par tout le monde. »
Pour bien comprendre à quel point les États-Unis d'Amérique considèrent que la Chine est leur ennemi ultime, il convient de ne pas perdre de vue
que 60 % des sous-marins états-uniens sont orientés vers la Chine, ce qui est particulièrement significatif quand on sait que la fonction la plus importante des
sous-marins à notre époque est leur capacité à lancer
des missiles porteurs de bombes thermonucléaires...
Et pour bien se rendre compte à quel point la situation est tendue entre les États-Unis d'Amérique et la Chine, il est important de ne pas oublier que, le 07 mai 1999, l'ambassade de Chine à Belgrade fut détruite par les bombardements exécutés par l'OTAN !
Conclusion
Comme le dit Pierre-Yves Rougeyron, quand le monde est fini, quand toutes les terres ont été découvertes et la plupart des énergies identifiées, la puissance, c'est l'indépendance, c'est persévérer dans ce qui est soi. Les États-Unis d'Amérique confondent puissance et domination ; ne supportant pas l'idée que leur empire pourrait décliner, ils préfèrent détruire ce qu'ils ne peuvent contrôler.
Face à cette montée générale de la tension qui est provoquée par la soif insatiable de domination de l'empire déclinant des États-Unis d'Amérique, il faut s'extirper, sans tarder, de cette spirale belliqueuse avant la conflagration quasi générale qui se prépare. Pour ce faire, la Belgique doit sortir de l'OTAN par la mise en œuvre de l'article 13 du Traité de l'Atlantique Nord. De même, puisque la politique étrangère, ainsi que la politique militaire, de l'Union européenne sont sous la tutelle de l'OTAN, la Belgique doit reprendre son autonomie diplomatique et militaire en sortant de l'Union européenne par la mise en œuvre de l'article 50 du traité sur l'Union européenne. Seule cette double sortie permettrait à la Belgique de reprendre la place qui est la sienne, une place digne, honnête, qui sert ses propres intérêts. Cette place, c'est la neutralité.
Il faut bien comprendre que, n'en déplaise aux États-Unis d'Amérique, la multipolarité a déjà recommencé. Ces dernières années, de plus en plus de
nations souveraines, comme la Russie, la Chine ou encore l'Inde, par exemple, ont pris leur place dans le concert des nations ; il ne tient qu'à la Belgique de devenir, à son tour, un acteur de
la multipolarité.
La paix sur la longue durée est une conquête politique !
Mike Werbrouck
Président fondateur du MIB
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