L'Organisation des Nations Unies a été fondée, en 1945, en vue de remplacer la Société des Nations afin, pas seulement mais avant tout, de préserver le monde de la guerre. C'est ainsi que la Charte des Nations Unies s'ouvre par un préambule commençant par les termes suivants :
« Nous, peuples des Nations Unies, RÉSOLUS à préserver les générations futures du fléau de la guerre qui deux fois en l'espace d'une vie humaine a infligé à l'humanité d'indicibles souffrances, ... »
La Charte des Nations Unies compte dix-neuf Chapitres rassemblant un total de 111 articles.
Le Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, intitulé « ACTION EN CAS DE MENACE CONTRE LA PAIX, DE RUPTURE DE LA PAIX ET D'ACTES D'AGRESSION » regroupe treize articles. Les douze premiers, numérotés de 39 à 50, proposent, afin de préserver la paix, des mesures pouvant être adoptées en cas d'actes d'agression.
L'article 51, le dernier du Chapitre VII, stipule :
« Aucune disposition de la présente Charte ne porte atteinte au droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective, dans le cas où un Membre des Nations Unies est l'objet d'une agression armée, jusqu'à ce que le Conseil de sécurité ait pris les mesures nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité internationales. Les mesures prises par des Membres dans l'exercice de ce droit de légitime défense sont immédiatement portées à la connaissance du Conseil de sécurité et n'affectent en rien le pouvoir et le devoir qu'a le Conseil, en vertu de la présente Charte, d'agir à tout moment de la manière qu'il juge nécessaire pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales. »
La lecture de cet article 51 nous amène à poser deux importantes remarques :
• Le droit naturel à la légitime défense n'est en aucun cas un blanc-seing accordé au pays agressé : au contraire, celui-ci ne peut agir que jusqu'à ce que le Conseil de sécurité ait pris les mesures nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité internationales.
• La notion même d'agression n'est définie nulle part dans la Charte des Nations Unies !
Qu'est-ce qu'une agression ?
Pour pallier cette carence, l'ONU finit par définir, le 14 décembre 1974,
ce qui constitue une agression. Il s'agit de la résolution 3314 (XXIX) Définition de l'agression :
« Article 3
L'un quelconque des actes ci-après, qu'il y ait ou non déclaration de guerre, réunit, sous réserve des dispositions de l'article 2 et en conformité avec elles, les conditions d'un acte d'agression :
a) L'invasion ou l'attaque du territoire d'un État par les forces armées d'un autre État, ou toute occupation militaire, même temporaire, résultant d'une telle invasion ou d'une telle attaque, ou toute annexion par l'emploi de la force du territoire ou d'une partie du territoire d'un autre État ;
b) Le bombardement, par les forces armées d'un État, du territoire d'un autre État, ou l'emploi de toutes armes par un État contre le territoire d'un autre État ;
c) Le blocus des ports ou des côtes d'un État par les forces armées d'un autre État ;
d) L'attaque par les forces armées d'un État contre les forces armées terrestres, navales ou aériennes, ou la marine et l'aviation civiles d'un autre État ;
e) L'utilisation des forces armées d'un État qui sont stationnées sur le territoire d'un autre État avec l'accord de l'État d'accueil, contrairement aux conditions prévues dans l'accord ou toute prolongation de leur présence sur le territoire en question au-delà de la terminaison de l'accord ;
f) Le fait pour un État d'admettre que son territoire, qu'il a mis a disposition d'un autre État, soit utilisé par ce dernier pour perpétrer un acte d'agression contre un État tiers ;
g) L'envoi par un État ou en son nom de bandes ou de groupes armés, de forces irrégulières ou de mercenaires qui se livrent à des actes de force armée contre un autre État d'une gravité telle qu'ils équivalent aux actes énumérés ci-dessus, ou le fait de s'engager d'une manière substantielle dans une telle action.
Article 4
L'énumération des actes ci-dessus n'est pas limitative et le Conseil de sécurité peut qualifier d'autres actes d'agression conformément aux disposition de la Charte. »
Comme le spécifie très précisément la résolution 3314 de l'Assemblée Générale de l'ONU, une agression, en droit international, est initiée par un État, et uniquement par un État, contre un autre État, et uniquement contre un autre État.
Il essentiel de ne jamais l'oublier afin de ne pas se laisser duper par l'instrumentalisation répétée de l'article 51 de la Charte des Nations Unies qui est opérée par le pouvoir en place en Occident afin de tenter de justifier les guerres d'agression de plus en plus fréquentes menées par les membres de l'OTAN et leurs alliés.
Quand une guerre est-elle légale ?
Une guerre est légale dans seulement trois cas de figure :
1° En cas de légitime défense.
Par exemple, les Forces armées syriennes gouvernementales défendent en toute légalité leur
pays contre une rébellion armée qui est financée, équipée et
formée par des puissances étrangères.
2° Quand les forces militaires d'un État interviennent sur le territoire d'un État allié à son invitation.
Par exemple, l'intervention militaire de la Russie en Syrie est légale car elle répond à la
demande explicite du Président syrien Bashar el-Assad qui est à la tête du gouvernement
syrien officiellement reconnu par les Nations Unies.
3° Quand des forces militaires interviennent sur un mandat du Conseil de sécurité des Nations Unies.
Dans tout autre cas, la guerre est illégale et constitue une agression.
Il n'existe, par exemple, aucun mandat de l'ONU permettant à quelque État que ce soit de se livrer à des opérations militaires en Syrie. C'est ainsi que les États-Unis d'Amérique, et nombre de leurs supplétifs comme la France, mènent une guerre illégale en Syrie, une guerre d'agression, au sens légal même du terme selon la résolution 3314 de l'ONU.
Un exemple concret d'instrumentalisation de l'article 51
François Hollande, le 27 septembre 2015
Le dimanche 27 septembre 2015, François Hollande, président de la République française - ou plutôt, devrait-on dire, gouverneur de la province France de l'Empire états-unien - a annoncé à l'ONU :
« La France a frappé ce matin en Syrie... a frappé un camp d'entraînement de ce groupe terroriste DASH [sic] et qui menaçait la sécurité de notre pays. La frappe s'est produite sur le camp dans une localité proche de Deir ez-Zor, à l'Est de la Syrie. Nos forces ont atteint leurs objectifs : le camp a été en totalité détruit. Six avions ont été utilisés dont cinq Rafale et ils ont pu être sûrs que la population civile n'avait pas eu de conséquences. D'autres frappes pourront avoir lieu dans les prochaines semaines si nécessaire avec toujours le même objectif : identifier les cibles qui correspondent à des camps d'entraînement ou à des lieux où nous savons que le groupe terroriste DASH [sic] peut menacer la sécurité de notre pays ou mener des actions terroristes. »
Manuel Valls, le 27 septembre 2015
Le même jour, le 27 septembre 2015 donc, Manuel Valls, Premier ministre de la France déclarait :
« Nous frappons DAECH en Syrie car cette organisation terroriste organise, prépare, les attentats vers
la France depuis la Syrie, depuis ces sanctuaires et nous agissons donc en légitime défense : c'est ce que nous permet la Charte des Nations Unies, l'article 51 et
j'avais dit à l'Assemblée nationale que c'est sur cette base-là que nous devrions intervenir et agir. Nous agissons en cohérence, de manière autonome en fonction de nos objectifs en lien bien sûr
avec nos alliés. »
Il est important de comprendre qu'il ne s'agit là que de propagande belliciste mensongère.
En effet :
• La légitime défense, dans le cadre du droit international, est régie par l'article 51 de la Charte des Nations Unies qui ont défini précisément, avec la résolution 3314, ce qu'est une agression. Cela concerne les relations entre les États en aucunement d'éventuelles actions vis-à-vis d'organisations, qu'elles soient terroristes ou non.
• La légitime défense consiste à se défendre après avoir été agressé et non à se livrer à des attaques préventives contre des menaces potentielles. Ce point est essentiel car si on acceptait l'idée de guerre préventive, il n'existerait alors plus aucune raison qui empêcherait un pays d'attaquer qui que ce soit où que ce soit sous le prétexte de l'existence d'une menace potentielle.
La France a contribué, en tant que supplétif des États-Unis d'Amérique, à la déstabilisation de la Syrie qui était en cours depuis quatre ans déjà. Le comble étant que cette déstabilisation va à l'encontre même des intérêts français ! Le lecteur désireux d'approfondir cette importante question lira avec intérêt l'excellent livre Syrie Pourquoi l'Occident s'est trompé de Frédéric Pichon.
Au lieu d'aller agresser illégalement des nations étrangères en les bombardant, ce qui, en plus de semer la mort et la destruction, attise de plus en plus la haine et le mépris contre elle, la France ferait mieux d'assurer sa sécurité intérieure en contrôlant efficacement ses frontières et de cesser d'appauvrir sa propre population en se soumettant au pillage institutionnalisé par l'oligarchie financière et industrielle qui utilise l'Union européenne comme instrument de domination.
À ceux qui avanceront qu'une telle chose est impossible à la France dans le cadre de l'Union européenne, nous répondrons qu'ils ont raison et que
l'unique solution est évidente : il faut que la France, tout comme la Belgique ou tout autre pays qui entend assurer sa sécurité intérieure et redresser son économie, sorte de l'Union
européenne par la mise en œuvre l'article 50 du traité sur l'Union
européenne qui prévoit qu'un pays peut déclarer unilatéralement sa sortie de l'Union européenne.
Et la Belgique ?
Rappelons que notre pays sert, lui aussi, de supplétif aux États-Unis d'Amérique : la Belgique a bombardé illégalement la Yougoslavie en 1999, dans le cadre de l'Operation Allied Force ; ainsi que la Libye en 2011, dans le cadre de l'Operation Unified Protector.
Rappelons également que l'OTAN, en plus de se livrer à des guerres illégales, sort du cadre de ses prérogatives puisque, comme le prévoit l'article 5 du Traité de l'Atlantique Nord (TAN), qui est également appelé le Traité de Washington, comme le rappelle le site internet de l'OTAN, d'une part, cette alliance n'est censée agir que de façon défensive et, d'autre part, elle ne peut en aucun cas se substituer aux Nations Unies :
« Article 5
Les parties conviennent qu'une attaque armée contre l'une ou plusieurs d'entre elles survenant en Europe ou en Amérique du Nord sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les parties, et en conséquence elles conviennent que, si une telle attaque se produit, chacune d'elles, dans l'exercice du droit de légitime défense, individuelle ou collective, reconnu par l'article 51 de la Charte des Nations Unies, assistera la partie ou les parties ainsi attaquées en prenant aussitôt, individuellement et d'accord avec les autres parties, telle action qu'elle jugera nécessaire, y compris l'emploi de la force armée, pour rétablir et assurer la sécurité dans la région de l'Atlantique Nord.
Toute attaque armée de cette nature et toute mesure prise en conséquence seront immédiatement portées à la connaissance du Conseil
de Sécurité. Ces mesures prendront fin quand le Conseil de Sécurité aura pris les mesures nécessaires pour rétablir et maintenir la paix et la
sécurité internationales. »
Est-il nécessaire de rappeler que ni la Yougoslavie ni la Libye n'avaient jamais attaqué aucun membre de l'OTAN ?
Conclusion
L'article 51 de la Charte des Nations Unies est devenu un de ces éléments dont tout le monde à entendu parler et dont en fait à peu près personne ne sait réellement
de quoi il s'agit. Qui en effet s'est donné la peine de le lire ne fût-ce qu'une seule fois ? La simple évocation, répétée ad nauseam, tel un slogan magique dans les grands médias, de
l'article 51 semble justifier toute action guerrière de l'Occident.
Vous savez parfaitement à quoi vous en tenir à ce sujet, vous savez exactement quand une guerre est légale. Ne vous laissez plus dire que les guerres
d'agression menées par l'OTAN et par ses alliés, dont la Belgique, sont légales !
Mike Werbrouck
Président fondateur du MIB
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